Joies de la grossesse : acte III


Grossesse oblige, j'ai passé le réveillon du 31 décembre le plus sobre sage de ma vie. Encore en proie à la fatigue, j'ai découvert ce que ça fait de rester dans son coin à regarder les autres s'éclater sur le dancefloor. Le temps semble tout de suite plus long quand tu peux pas chanter du Céline Dion ou du Jeanne Mas à tue-tête, perchée sur une chaise, le godet à la main (mais le côté sympa, c'est que tu es fraîche et pimpante le lendemain). J'ai rendu les armes à une heure du mat'. Personne ne m'a retenue. On ne contrarie pas une femme enceinte.

Grossis, petit bedon

Au mois de janvier, j'ai commencé à voir mon ventre sortir, à ma plus grande joie. A l'heure où j'écris cette prose, il me reste une dizaine de jours avant de filer à la mater', et quand je vois l'ampleur des dégâts au niveau de ma ceinture abdominale, je ris de mon émerveillement de l'époque devant un renflement à peine perceptible. L'apparition de l'arrondi du ventre a d'ailleurs un effet étonnant : on voit soudainement s'approcher tout un tas de mains tripoteuses avides de sentir les petits coups de pieds de la progéniture à venir. Ca se fend d'un soit disant poli "Je peux ?" mais la question est en général posée une fois le méfait accompli. Il s'agit là d'une bien drôle de pratique, comme si la grossesse faisait de cette partie de ton corps un espace public, accessible à tous. Toutefois, ça ne me dérangeait guère :  j'étais bien trop fière de montrer mon bidou de femme enceinte. Ajoutons à cela des cheveux brillants et de beaux ongles (merci les hormones de grossesse) et j'avais l'amour de moi-même à son paroxysme. 

Mes jeans commençant à me serrer un peu, je me suis octroyé une séance shopping remplir mes placards. Les pantalons de grossesse furent une véritable révélation de confort vestimentaire : c'est comme des jeans avec une taille très très basse mais agrémenté d'une large bande en tissu stretch qui remonte sur le ventre, c'est délicieusement confortable. Pour le reste des fringues, n'ayant pas envie de sacrifier tout mon budget, j'ai usé et abusé de Vinted qui permet de se constituer une garde-robe temporaire pour pas trop cher. 

En parlant de prise de volume, je m'estime chanceuse, celle-ci ne s'est pas trop répandue sur mon corps en pleine transformation. J'ai néanmoins constaté un intérêt croissant du public pour ma gorge soudainement fort généreuse. J'ai eu droit aux commentaires envieux des unes, voire à de grands yeux ronds, et surtout, j'ai constaté que les clients mâles étaient étrangement bien plus réceptifs quand je leur expliquais les subtilités du contrat d'assurance automobile. Un ancien patron m'avait dit : "Tu sais, le commerce, c'est de la séduction." Le propos prenait soudainement tout son sens. (Bon en vrai je connais mon sujet aussi hein...)

Février : déboires & émerveillement

En février, je suis devenue complètement parano' du Covid, qui commençait à s'immiscer dans tous les foyers. Le Français étant devenu las du port du masque prolongé entravant ses droits les plus fondamentaux, j'ai dû rappeler plusieurs fois que j'étais de par mon état un sujet un peu plus à risque que d'habitude et que de fait, il serait fortement apprécié que l'on cesse de me coller pour un oui pour un non et de me postillonner dessus.

Dans notre quartier, les contaminations ont explosé, je sentais l'étau se resserrer autour de moi. C'est au travail que j'ai fini par le chopper. En soi, rien de grave pour bébé tant qu'on ne fait pas de fièvre, mais j'ai pour habitude de soigner mes affections rhino-laryngologiques à grand renfort de gnôle et d'huiles essentielles, et là, malheureusement, toutes ces mixtures magiques m'étaient formellement interdites. Ce fut donc au jus de citron, avec du miel et beaucoup de repos sur le canapé que j'ai vaincu la bestiole. Cette semaine d'arrêt aura au moins eu l'avantage de me permettre de me reposer, et bébé s'en est donné à cœur joie pour bien grandir.

C'est d'ailleurs à cette période que j'ai commencé à le sentir bouger. Au début, j'avoue qu'on ne sent pas grand chose, c'est assez difficile de faire la distinction avec d'éventuels bruits ou glouglous de digestion. Jusqu'au jour où, pour de vrai, j'en étais sûre, bébé a bougé. La sensation est à la fois déroutante et magique. Parce que, entre nous, je sentais bien qu'il se passait un truc dans mon corps, mais j'étais toujours dans cet espèce de déni de la grossesse, ramenée de temps à autres à la réalité par les rendez-vous médicaux. Jules a commencé à être frustré, car je lui disais que je sentais les mouvements, mais qu'ils étaient trop subtils pour qu'il puisse faire de même. Mais à force de patience, il a fini par en profiter aussi. Je vous raconte pas le niveau de niaiserie que nous avons atteint tous les deux le jour où c'est arrivé.

Les sujets qui fâchent

Ma grossesse étant de notoriété publique, elle est aussi devenue le sujet principal de conversation. En fait, j'ai eu l'impression que toutes les Mamans autour de moi revivaient leur gestation par procuration et me bombardaient donc de leur avis et commentaires sur le sujet. 

Il y a bien évidemment les bienveillantes qui me rassuraient et me disaient que j'allais adorer être Maman. Et puis il y avait les autres, que l'on peut classer dans les catégories suivantes :
  • La traumatisée du post-partum qui te raconte ses déboires de périnée défaillant et d'épisiotomie ratée.
  • L'endeuillée du sommeil dont les gosses ont fait leur nuit à 18 mois et qui prie intérieurement pour qu'il t'arrive la même chose, en pire, histoire qu'il y ait un semblant de justice dans ce bas monde.
  • La jalouse parce que t'as pas encore trop grossi et qui te dit que ça va pas durer parce que les derniers mois tu prends beaucoup plus.
  • La mémé spécialiste en conception qui te raconte à tue-tête dans la salle d'attente du labo' qu'elle sait comment faire des filles ou des garçons selon le jour de l'ovulation. Toi tu acquiesces poliment en étant un peu désolée pour les autres patients de sexe masculin qui n'ont rien demandé et qui doivent subir le discours sans broncher.
  • La conseillère en éducation qui te renvoie tous tes principes dans la figure. Si tu oses dire que là, comme ça, spontanément, tu n'es pas fan du fait de coller ton gamin devant un écran, on te rétorque "Tu dis ça maintenant mais tu seras bien contente d'avoir la télé quand le gamin sera intenable."
Alors OUI, je suis consciente qu'entre les aspirations de base et la réalité de la vie, il y a souvent un fossé et des concessions à faire. Mais en face, on vous fait bien comprendre que ne faisant pas encore partie du cercle officiel des mères de ce bas monde, vous ignorez de quoi vous parlez et par conséquent vous n'avez pas le droit d'avoir quelconque opinion sur le sujet.

Il y a un autre moment où vous vous sentez parfois un peu seule, celui où tu fais tes courses au supermarché et que tu tentes un passage à la caisse prioritaire. Non, la grossesse n'est pas une maladie, mais rester plantée comme un poireau pendant dix minutes avec ton chariot n'est pas toujours une partie de plaisir. Et là, c'est extraordinaire ce qu'il se passe. Les gens qui attendent devant vous font tous les efforts du monde pour ne suuuurtout pas regarder dans votre direction. D'autres vous observent, voient votre ventre mais restent à leur place, pas complexés pour un sou. Les pires, ce sont les bonnes femmes, dans les yeux desquelles vous arrivez à lire le message qu'elles vous font passer : "On en a ch*é, maintenant c'est à ton tour."

Attention, je ne dis pas que tous ne sont pas à leur place (c'est d'ailleurs toujours un peu délicat de déterminer si une personne est prioritaire ou pas, un handicap n'est pas toujours visible), mais BIEN SOUVENT, quand la caissière intervient pour vous laisser passer devant, la file d'attente se réduit étrangement pour aller voir aux autres caisses. 

Envie de fraises

On nous conte souvent les récits un peu caricaturaux de femmes enceintes se levant la nuit pour aller se remplir la panse de tripes confites au miel, mues par des envies irrépressibles et improbables. La vérité, c'est que j'ai été plutôt sage, puisque jamais au grand jamais je ne me suis réveillée avec le besoin de me goinfrer, par contre, effectivement, il y a des jours où mon cerveau bloquait sur un aliment en particulier. Ce qui revenait souvent : le chili con carne, je fantasmais carrément sur des haricots rouges bourrés d'épices. J'ai quand même eu des passages un peu bizarres, avec une forte appétence pour le chou fermenté coréen (kimchi), le pâte à tartiner salée anglaise (la Marmite, à base de levure, c'est très bon étalé sur un toast beurré et bourré de vitamines B9) ou encore le boudin noir aux pommes (ledit boudin étant hautement recommandé par ma sage-femme pour mettre fin à mon anémie).

Boy or girl ?

Nous attendions la venue du 4 mars comme l'arrivée du petit Jésus : et pour cause, c'était le jour de l'échographie T2. Celle-ci dure assez longtemps car l'échographe doit prendre en photo les différents organes pour vérifier que tout va bien et surtout, surtout, pour les parents qui le souhaitent, le sexe peut être connu. Avec Jules, on voulait absolument savoir. Tout le monde me prédisait un petit mec. Moi, si on me demandait, je penchais plutôt pour le garçon aussi, mais sans trop me focaliser dessus pour ne point nourrir d'espoirs ou de déceptions inutiles.

Mais tout ça, c'était basé sur le postulat que bébé serait coopératif. Or, la star du jour n'était absolument pas bien positionnée et n'a fait aucun effort pour l'être. Heureusement, Sergent Chef a été super patiente et super têtue : elle aurait pu reporter la séance, elle a au contraire tout fait pour avoir ses différents clichés. Enfin, en l'occurrence, J'AI tout fait, parce que j'ai dû me lancer dans une série d'exercices pour déplacer le môme : footing dans l'allée, squats, sauts sur place, étirements, j'ai même été obligée de me mettre A QUATRE PATTES en culotte dans le cabinet et de secouer le popotin. Petit à petit, elle a réussi à prendre ses photos et au passage a pu nous informer que nous attendions un petit mec. Ah ça, pour montrer ses attributs, il n'y avait pas de problème, on ne voyait que ça. Merci mon fils, ça promet pour la suite. 

Début des emplettes

A partir de ce moment, nous avons bien plus facilement pu nous projeter dans ce qui nous attendait. La recherche du prénom n'a pas été un problème parce qu'on l'avait décidé bieeeeeeen avant de lancer les festivités. Pas question de divulguer le secret toutefois. Officiellement, bébé était toujours appelé par son nom de code Gustave. 

Il était temps de préparer sa chambre, mais nous n'avions pas pour aspiration de reproduire une chambre de magazine de décoration (ça fait rêver sur les photos mais bonjour les frais). Heureusement, il y a les copains et la famille qui sont toujours ravis de faire du vide dans leur abri de jardin et sont prêts à vous filer poussettes ou parcs encombrants, et ça c'est chouette. 

Pour le reste, Jules m'a fait découvrir le concept de la liste de naissance, qui consiste à lister avec un magasin les accessoires dont nous avons besoin et l'entourage contribue comme il veut. Je n'étais pas fan du fait de solliciter le monde pour financer l'arriver de bébé, mais ça a l'avantage de répondre à la question souvent posée "Vous avez besoin de quoi ?" et d'éviter l'avalanche d'ensembles de 1 à 3 mois à l'arrivée du petit. Nous avons fait appel au magasin Autour de bébé pour faire notre sélection. Pragmatique, j'avais coché les articles de base qui me semblaient indispensables (commode, baignoire, sac à langer...) mais c'était sans compter sur la vendeuse qui, en bonne commerciale, a essayé de nous refourguer tout un tas de trucs inutiles comme un mobile ou une poubelle à couches. Bonjour le marketing autour des marmots. C'est sûr que quand tu rentres dans la boutique, tu as envie de tout acheter. Mais heureusement, Paupau-la-pingre veille au grain.

N'ayant pas pour projet de laisser bébé le fessard à l'air, j'ai également commencé le shopping pour l'habiller. Là encore, merci Vinted. Cette application est tout simplement une mine d'or pour qui veut vêtir son bout de chou sans y laisser un rein, car nombreuses sont les Mamans qui vendent les affaires de leur progéniture. A 1 € le pyjama à peine utilisé, il n'y a pas à réfléchir longtemps. En revanche, la contrepartie de ces achats en ligne, c'est que vous passez votre vie à vous rendre aux points relais pour récupérer les colis. 

A la recherche de Super Nanny

Autre point à ne pas négliger quand bébé est mis en route : le mode de garde. Ben oui, le congé mater' c'est sympa mais à un moment, il faut bien retourner bosser. Au départ, on avait opté pour l'option crèche. Tout le monde nous avait mis la pression : "Attention, les places sont chères !", alors nous nous y sommes mis dès le quatrième mois. Nous avons été reçus par une dame qui gère les relais petite enfance de la plaine, et celle-ci nous a exposé les avantages et inconvénients de chaque mode de garde. Je pense que son objectif était surtout de nous faire comprendre qu'il n'y avait pas de place pour tout le monde et que c'était peut être pas idiot de regarder également du côté des assistantes maternelles. Elle a tellement bien fait son job que finalement, nous sommes tombés sous le charme de l'une d'entre elles. Future Nounou m'a expliqué qu'elle emmenait les petits à la ferme, je me suis imaginé petit Gustave en train de caresser une biquette et ça a fait fondre mon petit cœur de Maman rustique. Mais plus sérieusement, c'est vraiment une question de feeling car, même s'il n'est pas encore là, ça brise le cœur par anticipation de s'imaginer laisser son enfant à la journée à quelqu'un d'étranger au foyer.

Avec ces occupations diverses et variées, le deuxième trimestre fut donc bien rempli, d'autant plus qu'il était rythmé par mes visites mensuelles à la sage-femme (avec vérification du cœur de bébé et mesure de la hauteur utérine) et au laboratoire (prises de sang pour vérifier que j'avais pas choppé la toxoplasmose au détour d'une feuille d'endive mal lavée). Malgré un peu d'anémie et beaucoup de fatigue (toute justifiée quand on réalise l'ampleur du boulot que le corps fait...) on peut dire que la grossesse suivait son cours. Bébé bougeait de plus en plus, de quoi me donner la pêche pour aborder le très attendu mais non moins redouté troisième trimestre...

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