En avril, un invité indésirable est venu perturber ma nouvelle routine : le diabète gestationnel. En gros, le placenta sécrète des hormones qui mettent un peu le boxon dans la production d'insuline. Ne me demandez pas plus de détails, je n'ai pas été chercher plus loin. Ce qu'il faut toutefois en retenir, c'est que j'ai dû revoir ma consommation de glucides pour essayer de le réguler. Sur le papier c'est une bonne chose, ça pousse à être raisonnable pendant les repas. En pratique, supprimer peu à peu mes derniers plaisirs sucrés ne s'est pas fait de gaité de cœur, même si, une fois encore, c'était pour le bien du petitou.
Elephant girl
Ce dernier, de son côté, continuait de grossir, et mon ventre avec, au point que ma démarche s'en trouve fortement impactée. Passé un certain stade, ça devenait carrément compliqué de me déplacer normalement. Cela m'a valu de charmants commentaires de la part de mes comparses au travail :
"Olalala, mais tu fais vraiment culbuto !!!"
"Ah oui tu as bien grossi quand même !"
"Han mais tu vas exploser !"
Quand je vous dis que tout le monde se croit tout permis quand vous êtes en gestation.
Polie, je me retenais de répondre que moi au moins c'était provisoire ou que je m'en fichais parce que je rentrais encore dans mes culottes en 38. A la place, je riais jaune et me contentais d'un "Ah ah ah, purée j'en peux plus". Le paroxysme de la gênance fut atteint un beau matin où je me suis accroupie devant un placard pour récupérer une boîte à archives. Cette dernière était tellement lourde que lorsque je l'ai eue dans les mains, j'ai perdu l'équilibre et que de dépit, c'était plus simple de me laisser tomber sur le postérieur que d'essayer de me rattraper avec ma panse envahissante. Quand je me suis retournée, mes collègues se mordaient la lèvre pour se retenir de rire. La honte.
Au bout d'un moment, ce ventre devenait vraiment handicapant. Moi qui affectionne les randonnées dans nos vertes montagnes à la mi-saison, j'ai dû m'en tenir à de courtes balades de quelques kilomètres autour de la maison. Le ruisseau et la place du village, c'est bien mignon, mais on s'en lasse vite. En plus du poids, la respiration se trouvait fortement impactée et je me retrouvais essoufflée au moindre effort. En faisant la vaisselle par exemple.
Mes passages chez l'esthéticienne se sont transformés en exercices de souplesse plus ou moins ardus. Pour qui, pour quoi, on ne sait pas : la petite dame pouvait me faire croire ce qu'elle voulait quant au résultat de la séance de dépoilage étant donné que toute la visibilité vers le bas de mon corps était entravée par mon bedon volumineux. Malgré tout, j'y tenais à mes rendez-vous mensuels : ça permet de continuer à se sentir présentable devant le miroir et sa moitié, et ça c'est TRES important pour la santé du bulbe.
Home Sweet Home
Début mai, la fatigue s'est faite beaucoup plus intense, j'ai eu l'impression d'être revenue au premier trimestre. A 15 heures, je déconnectais complètement au boulot. Mon patron me causait d'un dossier, je mettais dix secondes à faire la connexion dans mon cerveau. Finalement, j'ai été arrêtée par ma sage-femme, parce que lesdites lenteurs cérébrales étaient fortement incompatibles avec l'heure et demie de voiture que je me farcissais quotidiennement. Mon Dieu que j'ai culpabilisé de ne plus travailler avant le congé maternité officiel. J'avais l'impression d'être une monumentale tire-au-flanc.
On me répétait qu'il fallait que je me repose, donc, j'ai un peu, beaucoup, BEAUCOUUUP glandé. Je me suis essayée à la couture, à Super Mario sur la Switch, j'ai fait mes comptes (la formule Excel ça permet d'entretenir les neurones), j'ai pu me refaire les premières saisons de The Walking Dead (et abandonner le truc en cours de route -toujours à la saison 8- tellement on s'ennuie comme des rats morts) et commencer La Chronique des Bridgerton (c'est un genre de Gossip Girl avec corsets serrés et jupons qui volent) puis j'ai ouvert quelques livres (plus exactement : je me suis refait l'intégrale d'Harry Potter). Accessoirement, j'ai également passé du temps à contacter la CAF et la CPAM parce que mes dossiers n'avançaient pas et ai eu la preuve par A + B que toutes les critiques à leur égard... étaient fort justement fondées.
A partir de 7 mois et demi, j'ai commencé mes cours de préparation à l'accouchement avec ma sage-femme, qui ont pour but de pas nous faire arriver les mains dans les poches le jour J. Jules m'a accompagnée à presque toutes les séances, toujours autant impliqué dans l'arrivée de notre merveille. Moi, ça m'a permis d'y voir plus clair sur ce que je voulais ou ne voulais pas pour mon accouchement. J'y reviendrai plus tard.
The final countdown
C'est avec une chambre prête à recevoir le fruit de notre amour et une valise de maternité presque terminée que j'ai entamé le neuvième mois, qui a franchement mis ma patience à rude épreuve. Plus volumineuse que jamais, mes nuits sont devenues compliquées. Dès que je me retournais dans le lit, j'avais l'impression de sentir Jules décoller à côté. Bébé étant descendu dans le bassin, j'avais retrouvé l'usage des mes poumons mais en contrepartie, ma vessie était fortement compressée, entrainant une demi-douzaines d'allers et retours aux toilettes pendant la nuit. Insomniaque, je commençais à ne pas être très très sereine à l'idée d'accoucher et de m'occuper d'un nouveau-né. Pour couronner le tout, les mouvements de bébés, qui m'émerveillaient au début, n'étaient plus agréables du tout.
Mon organisme se préparait, je le sentais. Mon bassin travaillait beaucoup : ma sage-femme m'a expliqué qu'avec l'hormone de la relaxine, les cartilages et les ligaments étaient ramollis pour faciliter le passage le jour J. Il n'était donc pas rare qu'au petit lever le matin, le bas de mon corps craque de façon inquiétante (heureusement que j'étais prévenue).
Pour corser un peu l'histoire, j'ai expérimenté la grossesse pendant la canicule. Oh, en terme d'emploi du temps, je n'étais guère impactée puisque toujours lamentablement échouée sur le canapé à me refaire les 8 saisons de Desperate Housewives (et à pleurer comme une madeleine pour un oui pour un non, mais Mike Delfino quoi). Moi qui n'avais subi aucun inconfort circulatoire jusque-là, voilà que mes chevilles et pieds se sont mis à gonfler. Quand vous vous sentez aussi sexy qu'un lamantin du Zoo de Beauval, je vous assure que vous n'êtes pas ravie de voir vos orteils se transformer soudainement en saucisses cocktail. Jules m'a convaincue de faire un plongeon dans la piscine pour me rafraichir : je n'ai pas regretté, les sensations de pesanteur se sont évaporées au moment où j'ai mis les pieds dans l'eau. C'était absolument exquis.
Les deux dernières semaines, j'ai commencé à trouver le temps long. Jusque là je m'étais toujours dit que si la grossesse durait 9 mois, c'était que bébé en avait besoin et qu'il était, peut-être, un peu égoïste de souhaiter une arrivée anticipée pour soulager ses propres désagréments physiques. Oui mais là, ça commençait à me courir sérieusement sur le haricot. Je voulais retrouver une alimentation normale, pouvoir une platée de nouilles ou de la croûte de fromage de brebis sans culpabilité. Et puis, je rêvais de reprendre possession de mon corps impotent et je n'avais toujours pas digéré le fait qu'à cause de mon état j'avais loupé la Coupe du Monde de descente VTT à Lourdes.
Les gens connaissant la date de mon terme, je recevais de nombreux messages pour savoir "où j'en étais". Ca allait du plus subtil "Coucou, ça va ? Quoi de neuf ?" au bien intrusif "Hey salut, t'as accouché ??!".
"Non, toujours rien à signaler, mais si ça vous passionne tellement, je peux écrire à BFM TV pour faire défiler un bandeau d'infos en continu avec l'évolution de la situation minute après minute."
J'ai eu l'impression d'être Kate Middleton avant l'arrivée du petit prince (le bourrelet en plus). Sans rire les gens, faut pas faire ça : les deux dernières semaines, une future mère N'EN PEUT PLUS de sa condition de pachyderme et APPREHENDE l'accouchement, rendez lui service et parlez-lui d'autre chose.
La semaine avant le terme, je suis allée faire ma dernière consultation chez l'obstétricienne. Après examen de ma personne, elle en a conclu que si bébé était dans le bon sens et prêt à décoller, il n'y avait aucun signe de travail imminent.
Les paris étaient lancés sur la date d'arrivée, entre ceux qui voulaient que ça tombe le jour de leur anniversaire et celles qui me faisaient promettre de ne pas le laisser venir le jour des anniversaires de leurs exs. Moi je voyais surtout que le jour J approchait et qu'il ne se passait strictement rien.
Finalement, ma Wonder-Maman avança un argument de poids : la nouvelle lune tombait le 29 juin et pourrait bien faire se décanter les choses...
Il s'avéra, une fois de plus, qu'il faut toujours écouter nos mères.
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