Bouchons, gratons & pots de Côte

"Le gras c'est la vie", écrivait joliment Alexandre Astier. Cette phrase a pris tout son sens pendant les soixante-douze heures qu'ont duré mon odyssée lyonnaise, parce que, mes aïeux, qu'est-ce que j'ai bien mangé (j'ai bien fait de ne consommer que bouillon et carottes cuites la semaine dernière, ça va sauver mon foie je crois). Mais n'évoquer que l'aspect gastronomique de mon épopée fantastique serait un peu réducteur, car j'ai passé un bien chouette séjour, et ce pour un tas d'autres raisons. 



J'ai dû omettre de cocher la case "Soleil" lorsque j'ai effectué mes réservations (ou peut-être avais-je déjà utilisé tous mes jokers de beau temps pour mes vacances à Lacanau), toujours-est-il que la météo annonçait un temps exécrable. Les deux semaines qui ont précédé mon départ, j'ai visité quotidiennement tous les sites de prévisions météorologiques, dans l'espoir d'une éventuelle amélioration, mais la veille du départ, il a fallu se faire une raison : le week-end allait être humide (doux euphémisme). 

Mais votre héroïne n'est point femme à se laisser acornardir par trois gouttes sur quatre pavés, aussi avais-je prévu mon éternel K-way rouge pétant et seyant à souhait pour affronter les éléments.

C'est ainsi apprêtée que je suis partie explorer les environs à mon arrivée le vendredi matin (fraîche et pimpante avec un petit lever à quatre heures - renoncer à mon sommeil sacré fut le prix à payer pour obtenir des billets de train à un tarif raisonnable, il faut savoir ce qu'on veut dans la vie). J'ai attaqué par la place Bellecour, où la grande roue était en cours d'installation, puis ai traversé la Saône pour me diriger vers le Vieux-Lyon.



Après un passage à la Cathédrale St Jean Baptiste, j'ai arpenté la rue St Jean et ses alentours : j'avais dans l'idée de partir à la recherche des fameuses "traboules". Pour la petite histoire, il s'agit de passages aménagés entre les cours d'immeubles, qui permettent de passer d'une rue à l'autre. Il est possible de les découvrir avec un guide, où tout seul (il existe notamment une application qui vous indique les traboules autour de vous selon votre géolocalisation), mais c'est plus compliqué car il faut parfois pousser des portes pour découvrir ce qu'il s'y cache derrière. Moi, grande timide (je vous jure), je n'ai pas trop osé. 


La rue Saint-Jean est assez représentative du folklore local : impossible de rater les fameux bouchons lyonnais, restaurants traditionnels réputés pour leur cochonnaille (j'y reviendrai plus tard), ni les pâtisseries qui présentent fièrement en vitrine leurs jolies tartes à la praline rose. A certains coins de rue, on peut apercevoir des immeubles dont l'architecture n'est pas sans rappeler la Renaissance italienne.



J'ai entrepris de monter (avec mes petites jambes, j'ai snobbé le funiculaire, la suite des événements m'a confirmé que j'ai eu raison de privilégier l'option sportive) jusqu'à la Basilique de Notre-Dame de Fourvière, qui, située sur une des deux collines de la ville, offre un superbe panorama sur Lyon (paraît-il qu'on peut même voir le Mont Blanc. Enfin, ça c'est sur le papier. Au vu des conditions, je crois que je peux déjà m'estimer heureuse d'avoir aperçu les tours du quartier Part-Dieu de l'autre côté du Rhône). 


L'intérieur de la basilique, bien qu'un peu chargé en terme de décoration du plafond, est très joli.


Mon optimisme au départ de ma visite a laissé peu à peu place au dépit : à force d'être sous la pluie depuis mon arrivée, je commençais à être trempée-guenée et par conséquent complètement frigorifiée. Ma soif de découvertes ne justifiait pas que je choppe la pneumonie, alors j'ai pris une grande décision : j'allais visiter le Musée Gallo-romain, situé lui aussi dans les hauteurs de la ville, histoire de sécher un peu.

Quelle bonne idée j'ai eue ! Je suis une grande amatrice de l'antiquité (romaine et grecque), et pas seulement parce que j'ai admiré les pectoraux de Spartacus dans la série éponyme. Non, la vraie raison (sortez les violons), c'est que j'ai eu la chance d'avoir une prof de grec et de latin absolument passionnante (et passionnée), et depuis, je suis restée adepte de tout ce qui touche à l'histoire, la civilisation et la mythologie greco-romaines. 

En plus d'être au sec, j'ai donc appris moult choses, notamment que la ville de Lugdunum a été fondée par un dénommé Plancus (on prononce le "S" s'il vous plait, sinon c'est bizarre) un an après l'assassinat de Jules César. Le musée présente toute une collection de vestiges trouvés dans la ville antique : statues, pierres tombales, mosaïques, le clou du spectacle étant la ruine du grand théâtre antique qui subsiste sur la colline de Fourvière.

Reproduction de la stèle funéraire de Plancus, fondateur de Lugdunum.

Vestiges du théâtre antique.


Bacchus, dieu du vin

La fin de l'après-midi approchant, je suis redescendue au pied de la colline pour reprendre le métro jusqu'à mon auberge de jeunesse, située sur l'autre promontoire de la ville : Croix-Rousse. Je me suis lancée dans une grande opération de relooking façon Cristina Cordula, car le soir même je jouais l'acte II de ma première journée de découverte de la ville, avec un programme finement concocté par Bichette (pseudonyme, oui, oui), mon camarade connu au temps jadis où j'avais élu domicile sur les terres d'Angloisie, qui habite les environs de la ville et en connait tous ses secrets. 

Nous nous sommes rendus dans un lieu fort typique appelé "La Tête de Lard" (à la simple lecture de la devanture, mes artères se sont bouchées). En plus de la joie des retrouvailles et l'évocation de souvenirs hauts-en-couleurs de la belle époque de festoiement perpétuel que nous vivions il y a plusieurs années de cela, j'ai été initiée aux plaisirs de la table lyonnaise, sur fond de nappe à carreaux rouges et blancs.

Au menu ce soir-là (on s'accroche - lecteurs végétariens ne me jetez pas la pierre) : 

- Saucisson et gratons : mon coup de cœur du séjour, les gratons sont des morceaux de tissus adipeux (de cochon en l’occurrence) cuits dans du gras. Sans complexes, les Lyonnais. En fait pour vous donner une idée d'à quel point c'est indécent, ma prochaine tartine de rillettes me semblera être un plat diététique et sain. Ça se grignote à l'apéro, et c'est meilleur que les Pringles.
- Un « pot de Côte » (prononcer « podcot ») : il s’agit de la bouteille de vin à fond épais qui contient le plus souvent du Beaujolais ou du Côte du Rhône.
- Pâté de foie de volaille à la bisque d'écrevisse.
- Quenelles de brochet accompagnées d'un gratin dauphinois (si vous en laissez dans le fond du plat, le chef en personne vient vous houspiller, bonjour l'angoisse).
- Cervelle de canuts en dessert. Bon. En soi, on ne peut pas dire que ce soit mauvais. Mais quand on m'a vendu le truc (fromage blanc, avec de l'ail et de la ciboulette), je m'attendais à un truc fort. Pour tout vous dire, dans ma contrée sarthoise, on a un mélange explosif qui s'appelle la bouine, composé de (très) vieux fromages de chèvre, auxquels on ajoute de l'ail, de la ciboulette mais aussi de l'eau-de-vie. On laisse ça dans le frigo quelques semaines, et ça prend vie, ça mousse, et ça sent tellement fort que ça pourrait en décoller le papier-peint. Toute cette poésie pour vous dire que la cervelle de canuts, Bibi a trouvé ça grandement fadasse.




Une promenade digestive s'imposait après ce festin, aussi sommes-nous allés nous promener le long du Rhône, d'où j'ai pu faire quelques clichés sympas de la ville illuminée. 


Le lendemain, je suis passée dans un registre plus familial puisque j'ai retrouvé cousin, cousine, et leur charmante petite tête blonde de trois printemps, Poupoune, dont je suis, cela va sans dire, complètement gaga. Opération cookies-dessins-comptines-câlin-au-Père-Noël menée avec succès. J'ai accompli l'exploit de chanter les Cro-cro-diles sur les bords du Nil dans le métro lyonnais sans décéder de honte. Voilà. Plus sérieusement, nous avons passé un moment absolument délicieux et bien évidemment nous avons conclu la rencontre par un "Faudrait qu'on se voie plus souvent quand même". Un classique, me direz-vous.

Le dimanche, dernier jour, j'avais rendez-vous avec Bichette aux Halles de Lyon - Paul Bocuse. Il s'agit d'un marché couvert avec un grand nombre de stands de nourriture : charcuterie, fromage, pâtisserie, fruits de mer, vin... Il y en a pour tous les goûts (les produits sont réputés d'excellente qualité) et il y a possibilité de manger sur place. Moi, j'étais bouche bée en franchissant les portes de ce temple de la gastronomie. 

En prière même. 



Le trajet du retour, bien que grandement monotone, a eu le mérite d'éclairer ma lanterne sur la géographie du Centre-Val de Loire, puisque je sais désormais où se trouve Vierzon, et également de me faire comprendre qu'il ne faut jamais sous-estimer la force pestilentielle du Saint-Marcellin, surtout lorsque l'on est amené à rester six heures avec des gens dans un wagon d'Intercités. Malaise. 

L'inspiration m'échappe pour conclure ce récit. Je pourrais vous dire que j'ai fait une superbe découverte, ai vécu un fort bon moment, et que c'est à refaire au plus vite, mais bien que totalement véridique, mais je vous ai déjà fait le coup avec mes vacances à Lacanau. Alors, non, je vais rester dans le thème de mon introduction, avec une autre belle citation de Monsieur Astier (c'est mon héros, que voulez-vous): "La joie de vivre et le jambon. Y'a pas trente-six recettes du bonheur." 

Et sur ces douces paroles, je m'en vais essayer de surmonter mon premier lundi soir sans l'Amour est dans le Pré. 

Souhaitez-moi bonne chance.

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