Après cet interlude animalier, retour à Dongdaemun pour aller se changer. Nouvelle rencontre du jour : Robert (les gens que nous rencontrions se présentaient souvent avec des noms anglais, pour que les étrangers puissent les retenir plus facilement), un ami d'Aspasie, Bebert pour les intimes (enfin pour nous trois). En guise de repas, il était prévu que nous testions le barbecue coréen.
Il était difficile à caser celui-là, parce que d’après Aspasie, après un barbecue, on pue, et on ne peut pas aller n’importe où après (en boîte par exemple). Donc nous voilà tous les quatre rendus au restaurant, installés autour d’une table creuse au milieu où le serveur a déposé des braises, une grille, avant d’apporter notre commande de viande crue. Bebert l’expert en barbecue s’est occupé de placer les pièces de porc au dessus du feu, puis nous les a découpées aux ciseaux (c’est courant de découper les bouts de chou et autres morceaux de nourriture trop gros avec une paire de ciseaux lorsque l’on est à table).
En quittant les lieux, j’étais forcée d’admettre qu'Aspasie avait raison : nous puions le graillon. Mais pas question d’annuler nos plans, car, ce lundi soir, c’était notre grand retour au bar de K-pop (dès fois qu’on n’eut pas bien compris les effets du soju bomb sur l’organisme la première fois, sait-on jamais). En fait, la franchise Damotori se décline en six endroits différents, localisés dans une même rue. Nous avions squatté le 3 le samedi soir mais ce dernier étant fermé le lundi, nous avons tenté le 4. Là, tout s’est accéléré : à peine avoir posé nos derrières sur les banquettes et commandé nos boissons, des filles, inconnues au bataillon, nous ont invitées à nous déhancher au son des chansons à la mode du moment. Aaaah la magie des rencontres interculturelles en soirées. On ne comprend rien à ce que l’autre nous raconte, mais on rigole, on chante et on danse et ça y est, on passe du statut d’étrangère à celui de super copine (bon c’est relativement éphémère comme amitié mais ça a le mérite d’être drôle).
Côté gent masculine, ça n’a pas chômé nous plus. La drague à la Coréenne, c’est épique. Alicia m’avait annoncé que le mâle de Séoul est habitué à séduire des jeunes donzelles superficielles et un peu vénales sur les bords. C’est donc tout à fait naturel qu’un mec aborde sa conquête potentielle en lui débitant un “Tu sais, j’ai une grosse Lamborghini”. Ma règle de base étant que si un homme se vante de la qualité de ses possessions automobilistiques, c’est qu’il a quelque chose à compenser, sa déclaration m’a beaucoup fait sourire. Ajoutez à cela cette habitude infâme qu’ont les gens de cracher partout et tout le temps (je me revendique comme étant une personne adaptable, mais ça, impossible de m’y habituer) et le sex-appeal de l'individu en prend pour son grade. J’ai ainsi poliment décliné son invitation au motel. Lui ne s’est pas démonté, il est allé tenter sa chance avec mes copines.
La suite est (volontairement) plus floue. J’ai une image à tenir et je vise avec ce chef-d’œuvre littéraire un large public (sutout mes géniteurs en fait) que je préfère épargner. Je ferai donc diversion sur Bebert qui est passé de garçon plutôt sympathique à gros lourdingue de service. L’individu ne tarissait pas d’éloges concernant Aspasie, et ne cessait de nous poser, à moi et Sidonie, des questions sur elle, sûrement pour estimer discrètement ses chances de réussite en matière de séduction. Sauf que nous, on s’en fichait un peu de ses monologues (et puis on le sait qu’elle est chouette Aspasie, sinon on se serait pas farci onze heures d’avion pour venir la voir), on avait juste envie de danser jusqu’au bout de la nuit. Ce que nous avons fait.
Ne me demandez pas comment, mais vers 4 ou 5 heures du matin, nous nous sommes retrouvées au karaoké avec des jeunes que nous ne connaissions ni d’Adam, ni d’Eve. Bebert était toujours parmi nous, grincheux, asocial et frustré. La nuit de folie s’est achevée dans un café vers 6 heures du matin, où j’ai commandé un latte au thé vert (ma nouvelle drogue).
Aujourd’hui encore, nous sommes nostalgiques de cette improbable soirée de février que nous avons affectueusement surnommée : la soirée What The Fuck.
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