Fin 2021, alors que je débutais ma joyeuse grossesse, Bruel, lui, présentait au monde son dernier opus, "Encore une fois", dont j'ai usé et abusé pour me distraire de la morosité des bouchons de l'agglomération paloise. J'ai accueilli avec bonheur ce nouveau disque, pour sa qualité bien sûr mais aussi parce que je voyais en lui le prophète annonciateur d'une nouvelle tournée hexagonale.
J'ai voulu rameuter à l'événement mes voisines/copines qui m'avaient trimballée au Zénith de Pau pour voir Amir (ma première soirée post-partum entre filles, ça a commencé gentiment en chantonnant "Si dans ta rétine l'amoooûr" et ça a terminé mochement en braillant du Sardou à la Guinguette des Sardines avec les militaires de la caserne de Montauban, ne me demandez pas comment nous en sommes arrivées-là, je ne l'ai moi-même pas très bien compris.) Mais les copines en question m'ont dit qu'elles n'aimaient pas trop les dernières chansons de Bruel et que donc, non, elles passeraient leur tour.
Je précise ici que je n'ai jamais eu aucun problème à me rendre seule à un concert, puisque je pars du principe que s'il faut attendre après les gens pour faire les trucs qu'on aime, on ne fait jamais rien dans la vie. C'est comme ça qu'une fois, je me suis retrouvée à prendre le train pour aller voir un groupe de folk médiéval dans le fin fond du Surrey en Angleterre, juste parce qu'ils ont fait une super reprise de Diamonds & Rust de Joan Baez.
Alors Bruel en tête-à-tête avec ma personne, même pas peur.
Mais mon Jules, en principe pas trop passionné par la foule et les concerts, ça l'embêtait quand même un peu de voir sa dulcinée esseulée dans la fosse du Zénith avec un Bruel en chemise blanche. Le matin de la vente des billets, entre le deuxième et le troisième café matinal, il m'a annoncé, fièrement :
"Ma chérie, prends deux places, je viens avec toi."
L'un des avantages de m'être amourachée d'un désormais presque quinqua : Bruel, c'est toute son adolescence.
La vente débutait un vendredi de mars 2023 à 10 heures. A 9 heures 54, j'ai pris ma pause syndicale pour me brancher sur le site de la Fnac histoire d'avoir des places pas trop crades. Je m'étais tout imaginé : les lenteurs de connexion, la saturation du réseau, une attente interminable. Mais me dégoter à 10 heures 03 les deux places centrales du premier rang, certainement pas. J'ai cherché les plans du Zénith pour être sûre que le "rang 1" c'était bien le premier rang, c'est pour dire.
Et puis l'attente a commencé. Quatorze mois me séparaient alors du D-day du 04/05/2024. Les dates fatidiques comme ça, il faut se les mettre dans un coin de la tête et ne plus y penser, sinon ça paraît interminable.
Et puis, pour moi, ça signifiait aussi que je devais pour la première fois confier ma progéniture à quelqu'un d'autre pour le coucher du soir et ça, ça demandait un ÉNORME travail sur mon petit cœur de Maman. La grande sœur s'est vu confier la mission baby-sitting (deuxième avantage de m'être amourachée d'un presque quinqua), et après quelques séances d'entraînement, je l'ai jugée apte à prendre en charge la survie de la prunelle de mes yeux pendant cinq heures.
Notre premier repas du soir en amoureux depuis ma délivrance, nous l'avons passé sur un muret du parking du Zénith de Pau, à savourer les plats d'un foodtruck libanais, chargé de falafels et d'oignons rouges. Qui a dit que le romantisme était mort au bout de cinq ans et demi d'amour ?
Nous avions une heure d'avance par rapport au début du concert, mais elle n'était pas de trop cette heure, entre l'attente de la préparation repas, l'attente à la boutique de goodies (je n'ai pas su résister à l'appel du mug et du T-shirt), l'attente dans la queue des toilettes et l'attente pour la pinte de blonde (la vraie, à l'anglaise, à l'ancienne).
A Biarritz, j'étais au fin fond de la salle, et la scénographie était assez sobre. Là, la team Patrick avait sorti le grand jeu : écran dans le fond, trois écrans au plafond, et de la lumière dans tous les sens. Effet WOUAH garanti quand l'intéressé a débarqué sur scène. Car effectivement, j'étais bien aux premières loges, suffisamment pour le voir imbiber sa chemise blanche de transpiration. Visiblement, la lumière des projecteurs dans la trogne, ça donne chaud. Je suis partie dans un monde parallèle où rien ne comptait à part mon Jules, moi, et la musique qui faisait vibrer mon palpitant ému.
Ce que je n'avais pas prévu, c'est qu'étant au pied de la scène et donc dans le viseur du caméraman, TOUT le Zénith de Pau a pu profiter de nos tronches en train de chanter (et Dieu sait qu'on y a mis du cœur) sur les écrans géants. D'où le : "Et bah dis, tu t'es bien amusée au concert de Patrick ! On était dans les gradins, on vous a vus pendant la moitié du concert !" auquel j'ai eu droit à mon retour au bureau. Pour la discrétion, on repassera.
A Biarritz, j'avais pas mal filmé avec mon téléphone, pour partager le moment à mon lectorat de Facebook. Cette fois, je suis restée égoïste et j'ai beaucoup plus profité du spectacle. C'est un régal de regarder les musiciens s'éclater tout du long, avec un grand sourire en prime. Bruel est au top aussi, très en forme et il sait nous emmener avec lui pendant deux heures trente.
Je ne vais pas détailler la tracklist qui reprend les classiques de concert + les pistes les plus emblématiques du dernier album. Étonnamment, celle qui m'a le plus émue en live c'est "Aux souvenirs que nous sommes", magnifique ode à Missak Manouchian, résistant fusillé le 21 février 1944. Je la trouvais jolie en version studio, en live elle m'a retourné la tripaille (je dois faire partie de la dernière génération dont les grands-parents ont connu la WWII, ce sujet ne me laisse jamais insensible).
Après, soyons honnête, un concert de Bruel, ça ressemble fortement à un concert de Bruel : les prises de paroles du chanteur pour introduire une chanson qui sont mot pour mot identiques à celles de la tournée d'avant, les traits d'humour, les groupies qui sifflent dès qu'il évoque ses relations amoureuses passées, les folles dingues qui te poussent pour être contre la barrière pendant Place des grands hommes alors que ce ne sont pas leurs places attitrées (d'ailleurs c'est assez rigolo, sur scène on prône la tolérance et l'amour de l'autre, alors que dans le public, c'est joyeux Hunger Games), et le tripotage en règle de Patrick par le tout-venant quand il doit traverser la foule pour retrouver son piano placé dans le public. Avec ma voisine de rang, visiblement la trentaine comme moi, nous nous sommes amusées du décalage flagrant entre les fans de la première heure qui ne se tenaient pas et la nouvelle génération, un peu plus mesurée. S'il y a peu de surprise, les émotions restent intactes. 3200 âmes qui chantent a capella, tous flashes allumés (exit les briquets), ça vaut son pesant de cacahuètes émotionnelles.
Jules a passé un super moment aussi, il n'était pas en reste sur la maîtrise des parole et pas plus perturbé que ça d'être la seule figure masculine à cet endroit précis.
Standing ovation amplement méritée à la fin. J'ai dit à Jules que Patrick avait l'air franchement touché par les élans d'amour du public. Il m'a répondu, pragmatique : "C'est un acteur ma chérie." Mon homme n'est pas un doux rêveur.
Voilà, c'était terminé. Au delà d'un super divertissement pour les écoutilles, nous avons été joie de nous retrouver tous les deux et rien que tous les deux, à l'ancienne, en mode Paupau & Jules.
Mais avec quand même une énooorme pensée pour notre mini-trésor pendant Au café des délices, sa chanson fétiche.
"BILALIL PATICK" comme il dit.
Patrick, continue de nous faire rêver, la relève est assurée 👌
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