Royale visite à Chambord

Dans ma grande jeunesse, je suis tombée en amour de la série The Tudors, parce qu'il y avait le ténébreux Henry Cavill (avant qu'il ne finisse en slip rouge dans Superman) et parce que je me suis passionnée pour l'histoire de cette pauvre Anne Boleyn, qui, de séductrice fort douée dans son domaine est devenue Reine d'Angleterre, avant de perdre la tête littéralement sur les planches souillées de l'échafaud de la Tour de Londres. Une tragédie qui m'a d'ailleurs menée en pèlerinage dans la cour de ladite Tour lors de ma première visite de Londres en 2011. Mais je m'égare.


En parallèle du visionnage de la série, je me suis intéressée à la vraie histoire d'Henry VIII et de ses contemporains, dont François 1er faisait partie. Lecteur, ne me place point sur un piédestal en me pensant grande sachante sur le sujet. Le seul truc que j'ai retenu, c'est que notre bon vieux Roi François aurait péri de la syphillis.

Or, nos grands monarques, quand ils ne couraient pas la prétentaine, savaient se passionner pour l'architecture et l'art, nous laissant en héritage de leurs règnes de splendides résidences royales. La vallée de la Loire regorge de bijoux de patrimoine, et c'est toujours un réel plaisir de m'y rendre en famille pour faire un joli saut dans l'Histoire.

Cette fois là, sœurette et moi nous sommes rendues au Château de Chambord. On m'en avait toujours fait un bilan mitigé : oui c'est impressionnant mais l'intérieur est médiocre car totalement dépourvu d'ameublement. Aussi m'étais-je préparée à être déçue de la visite. En attendant, il fallait quand même admettre que la façade du bâtiment avait la classe :


A l'approche du château, nous nous sommes arrêtées dans la biscuiterie de Chambord, en prévision du goûter. C'est important le goûter. Surtout quand il est composé à 35 % de beurre de barrate. 


Notre soif d'apprendre nous a poussées a opter pour la visite guidée. La réussite de ce genre de prestation dépend beaucoup des guides et la façon dont ils partagent leurs connaissances. En l’occurrence, la nôtre était passionnée et j'aurais pu l'écouter des heures durant.

Le fil conducteur de la visite était la recherche d'éléments de réponses à l'interrogation suivante  : quelle pouvait bien être la fonction des lieux ?

A ) Un château fort 
B ) Un relais de chasse 
C ) Une résidence royale 

En nous remuant un peu les méninges avec nos souvenirs d'histoires, nous avons réalisé qu'aucune réponse ne s'imposait comme une évidence. Et pour cause.

D'abord, les plans du château sont similaires aux plans d’un château fort : un donjon carré, avec quatre tours aux quatre angles (deux ailes et une basse-enceinte y ont été par la suite érigées). Mais il dispose en outre de multiples ouvertures, de loggias (couloirs ouverts sur l’extérieur) et de sculptures qui l’éloignent d’une fonction défensive.

L’intérieur est organisé autour d’une grande pièce principale en forme de croix grecque, inspirée par la construction de la Basilique St Pierre à Rome. Mais ce n’est pas non plus un édifice religieux.

Enfin, le Roi ne chassait pas en ces lieux puisque le bâtiment a été construit au milieu de marécages. Je me suis aperçue qu'on m'avait raconté sacrément n'importe quoi à l'école, parce que j'ai TOUJOURS imaginé le gars François en train de chasser le cerf dans les bois qui entourent le château. 

Le bâtiment en lui-même n'était pas très confortable : pièces peu logeables, courants d’air en hiver (et pas que), moustiques en été... et avec une quarantaine de chambres, impossible d’y loger les quelques 8 000 courtisans qui composaient la Cour. Le Roi lui même n’y a habité qu’une cinquantaine de jours pendant son règne (ça valait bien la peine de se casser la nénette à ériger pareil ouvrage).


La guide nous a bien sûr causé de la naissance du souverain. Fils de Louise de Savoie, le petit François n’était pas destiné à régner au vu de son éloignement de la lignée directe des Valois. Mais c’était sans compter sur les malheurs de ses prédécesseurs : Charles VIII, mort en se prenant un linteau de porte en plein faciès du haut de son 1 m 52, et Louis XII, décédé d’épuisement à force d’essayer d’avoir un héritier...

Le 1er janvier 1515, François devient Roi de France, tel que l’avait prédit le moine franciscain François de Paule (c’était l’Elu, comme Harry Potter).


Nous nous sommes amusés, avec nos compagnons de visite, à tester l'escalier à double révolution : les hommes d'un côté et les femmes de l'autre. Nous avons donc gravi les marches, avons pu nous voir à travers la colonne centrale ajoutée, mais sans jamais nous croiser. L'expérience est amusante à faire, et nous avons l'impression d'être face à un casse-tête alors qu'il suffit d'imaginer une double-hélice d'ADN pour en comprendre le fonctionnement.

Tout cela donne en vie de crier au génie, et qui dit génie, dit Léonard de Vinci : seul un esprit brillant comme lui aurait pu créer cette oeuvre. Erreur. On a recensé des escaliers similaires dès le XIVème siècle. En fait, il n’aurait même pas participé à la conception du château. Aucun écrit sur le sujet n’a été retrouvé dans ses correspondances ou dans ses codex. Et Monsieur Da Vinci est mort en mai 1519, alors que la première pierre a été posée le 6 septembre de la même année !

Les chercheurs planchent toujours sur le sujet, afin de découvrir qui est l’architecte du Château de Chambord. A moins qu’il ne s’agisse de François 1er lui-même ? Après tout, il disposait de tous les traités architecturaux dans sa bibliothèque, et l’histoire raconte que lors de balades à cheval, il lui arrivait de descendre de sa monture devant un beau paysage pour esquisser les plans de projets de construction...


A l'étage supérieur, nous nous sommes arrêtés sous une voûte en anse de panier. Dans les caissons, nous retrouvons deux symboles :

- Le F de François, entouré d’une corde, dont l’un des nœuds représente l’ordre des Franciscains et l’autre la Savoie de Louise de Savoie (la maman du Roi, si vous avez suivi ma belle prose) qui compte beaucoup pour lui puisqu'elle s’occupe de la régence du pays quand il part guerroyer et s’occupe de récupérer des sous pour payer la rançon quand il est fait prisonnier.

- La salamandre, qui selon la croyance de l’époque avait le pouvoir de résister aux flammes (dans la vraie vie, c’est la substance présente sur la peau de l’animal qui lui permet de supporter momentanément la chaleur). C'est pourquoi la devise du Roi était : « Nutrisco et extinguo », je nourris -le bon feu de la vertu- et j’éteins -le mauvais feu du Mal-.


La visite s'est achevée sur les terrasses du château, où l’on peut contempler, dans la continuité de l’escalier, la tour lanterne (à gauche) surmontée d’une couronne et d’une fleur de lys de 1,40 m. Seul le Roi était autorisé à accéder au haut de la tour, car lui seul pouvait monter au plus près de Dieu (symbolique reprise par Louis XIV et son image de Roi-Soleil). Rien que ça.

Finalement, le château est une démonstration de la puissance du Roi et de sa vision de la France, dont la fonction n’est ni plus ni moins... d’impressionner le monde. Et ça marche plutôt bien !

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